Professeur à la faculté de géosciences et de l’environnement de l’université de Lausanne, Dominique Bourg est convié, en tant qu’expert, à la table ronde sur l’économie circulaire. Pour lui, le changement de paradigme repose surtout sur la réduction de la consommation des ressources.

Durabilité accrue des produits, lutte contre l’obsolescence programmée, développement du réemploi, éco-conception… Les propositions vont bon train à la veille de la table ronde de la Conférence environnementale sur l’économie circulaire. Quel est l’enjeu majeur du débat selon vous?

Il faut commencer par replacer l’économie circulaire dans un contexte mondial. A Copenhague, on a raté l’occasion de maintenir le réchauffement à 2 degrés, que l’on aurait pourtant pu atteindre avec une politique volontariste. Les nations n’ont finalement accepté l’objectif qu’à partir du moment où elles savaient qu’elles ne pouvaient plus le tenir. Il faut avoir en tête cette hypocrisie politique mondiale. Ce qui n’empêche pas pour autant d’agir.

“En matière d’économie circulaire, la nécessité est de développer les fameux 4R (réduire, réutiliser, refabriquer, recycler). Le problème, c’est qu’on a tendance à oublier le premier. Or, si vous le ratez, vous ratez tout.”

C’est ce que montrent précisément les travaux de François Grosse (1). Le recyclage d’une matière n’obtient des effets qu’à partir du moment où vous limitez la hausse de sa consommation annuelle au-dessous de 1%. Autrement dit, avec un taux de progression de la consommation de 3,4% et un taux de recyclage de 60% par exemple pour l’acier, on recule seulement de 12 ans la finitude de la ressource, prévue dans moins de 5 décennies. Il ne peut donc pas y avoir d’économie circulaire avec un taux de croissance soutenu, de l’ordre 3,4%, comme on l’observe depuis quelques décennies. On peut seulement boucler certains cycles.

Quels cycles vous paraissent-ils prioritaires?

On doit commencer par développer l’éco-conception pour supprimer progressivement tous les alliages pour lesquels le recyclage est impossible. Le volontariat ayant bien sûr ses limites, il faut actionner des leviers réglementaires, à commencer par le niveau européen. Cela a marché dans les années 1990 pour lutter contre les pollutions et progresser vers une production propre. Il faut poursuivre le mouvement et prendre des mesures réglementaires pour favoriser l’éco-conception, lutter contre l’obsolescence programmée. C’est assez simple.

Quelles mesures incitatives faudrait-il prendre immédiatement?

Au niveau de la France, on pourrait commencer par lever des fonds de soutien aux acteurs territoriaux, qui seraient financés par l’extension de la taxe générale sur les activités polluantes, la fameuse TGAP. Mais on peut imaginer d’autres ressources fiscales, comme une TVA comparée en fonction de l’impact des produits et des services. Plus la consommation de ressources est élevée, plus la TVA serait élevée. Les entreprises n’étant pas vertueuses, seules des mesures incitatives, hors marché, peuvent fonctionner. Il faut aussi s’appuyer sur les initiatives menées par l’économie sociale et solidaire, comme le réseau Envie qui rénove des biens de consommation usagés pour qu’ils soient réemployés ou recyclés. Une expérience grandeur nature va d’ailleurs être menée dans les prochains mois par un grand groupe industriel, avec l’aide d’Envie. Dans une vingtaine de lieux, on pourra louer un certain type de matériels. Si l’expérience est concluante, on peut imaginer qu’elle soit généralisée. C’est aussi un formidable volant pour développer l’emploi local non délocalisable. L’économie de fonctionnalité représente une autre piste très intéressante, puisque l’opérateur, qui loue un produit, souhaite qu’il dure le plus longtemps possible. Sur ce plan, les logiques environnementale et économique se retrouvent pleinement.

Quels sont les verrous à débloquer pour favoriser ce genre d’initiatives?

Il faut absolument décloisonner le sujet, encore trop souvent traité sur le seul angle de la gestion des déchets. La création d’une mission interministérielle serait un premier pas pour enclencher une dynamique. Ensuite, les initiatives locales existent. Il faut les soutenir. A Barcelone, par exemple, la ville a décidé d’aider tous les fab lab [laboratoires de fabrication, ndlr] qui vont dans le bon sens. La société globale étant incapable de bouger, il faut miser sur ces expériences très actives.

(1) Diplômé de l’Ecole polytechnique et de l’Ecole nationale supérieure des mines, François Grosse a publié en 2011 une étude sur le rôle du recyclage dans une société en expansion et un monde aux ressources limitées.

Source : Journal de l’Environnement

Quels enjeux pour nos industriels du recyclage ?

L’économie circulaire est à la mode, nos déchets prennent de la valeur : dans le contexte d’une dépendance industrielle croissante vis-à-vis des matières premières, ils deviennent un gisement de ressources et d’emplois. Le secteur se structure et doit encore investir afin de diversifier les gisements traités…   Un potentiel économique à exploiter L’économie du recyclage connaît…

Le 5 décembre dernier, l’International Integrated Reporting Council (IIRC) a approuvé formellement le référentiel du « reporting intégré ». Derrière cette expression simple se cache une réelle opportunité pour les entreprises cotées.

Le sujet est en effet beaucoup plus vaste et ambitieux que ne le suggère la simplicité de la terminologie :

“il s’agit de (re)donner confiance aux investisseurs en communiquant plus et mieux sur la création de valeur à long terme de l’entreprise.”

Le constat est banal et ancien: les investisseurs sont frustrés par la complexité, le volume, le jargon et le caractère historique des informations qui leur sont communiquées et qui ne sont pas forcément utiles aux décisions de la communauté financière. Au nom de la transparence, on a assisté à une profusion de rapports qui peuvent être même parfois une source de confusion. Cette situation a été particulièrement analysée en Grande Bretagne où de nombreuses institutions ont publié des recommandations encourageant les entreprises (et les auditeurs) à faire des efforts de pédagogie à l’égard de la communauté financière (voir par exemple: “Cutting Clutter”, “Louder than words” ou “Raising to the challenge” du FRC, “Development in new reporting models” de l’ICAEW ou “Making corporate report readable” de l’ICAS).

Les investisseurs fondamentaux (ceux qui sont les seuls à avoir une influence sur la dynamique boursière à long terme d’une société) ont besoin de comprendre la trajectoire stratégique et le modèle de développement de l’entreprise car l’essentiel de la valeur réside dans les perspectives futures de celle-ci (les évaluateurs parlent de valeur terminale). Une rénovation profonde du dialogue avec les marchés est donc nécessaire pour leur permettre de mieux anticiper la position concurrentielle et les performances de l’entreprise à terme.

C’est tout l’objet du reporting intégré qui est défini comme:

« le processus qui donne lieu à une communication sur la création de valeur au fil du temps, notamment par la production d’un rapport intégré ».

Concis, pertinent, prospectif, ce rapport doit porter sur les conditions dans lesquelles la stratégie, la gouvernance, la performance et les perspectives de l’organisation lui permettront de « créer de la valeur à court, moyen et long terme ».

L’entreprise est invitée à expliquer son business model, moteur de la création de valeur, à identifier ses actifs tangibles et intangibles clés (qu’elle en soit ou non propriétaire), à identifier les liens qu’elle tisse avec son écosystème, à présenter les risques essentiels auxquels elle est confrontée et la façon dont elle prévoit de les éviter ou de les atténuer. L’entreprise doit montrer quelles sont les connections entre tous les éléments du système.

Les indicateurs de performance financière et non financière doivent être peu nombreux et liés entre eux. Ils doivent être rigoureusement choisis pour s’assurer de leur pertinence à l’aune de la création de valeur et de la capacité de l’entreprise à les produire de manière fiable et pérenne pour expliquer aux investisseurs les progrès réalisés au cours du temps.

Toutes ces informations sont spécifiques à l’entreprise : c’est la raison pour laquelle l’IIRC ne propose pas un standard ou une liste des indicateurs clés à mettre en avant, mais se présente plutôt sous la forme d’un guide d’analyse pour aider les directions générales dans leur réflexion sur leur système de création de valeur, par définition unique.

Enfin, le rapport intégré vise prioritairement un public spécifique, celui des investisseurs dans un but précis : les guider dans leurs décisions. Ce n’est pas un rapport de développement durable, même si les autres partenaires de l’entreprise y trouveront certainement un intérêt. Seules les initiatives RSE contribuant à la valeur financière future de l’entreprise méritent de figurer dans ce rapport. La philosophie est donc très proche de celle de la « shared value » de Porter.

Les premières réactions des investisseurs sont très positives car non seulement le reporting intégré répond à leurs besoins d’information, mais il incite aussi les entreprises à être plus à leur écoute.

Concentré pratique de la vision de l’entreprise, le rapport intégré nécessitera un travail préalable de synthèse et surtout de mise en cohérence : l’« integrated thinking », que l’on peut traduire par la maxime de Boileau : « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément » (la relecture intégrale du poème est toujours instructive !). Inutile d’espérer communiquer efficacement sans avoir une idée précise de ce que l’on va pouvoir dire et maintenir sur la durée !

Le reporting intégré est déjà une réalité depuis quelques années en Afrique du Sud et en Australie (voir ici). Depuis début octobre, les conseils anglais doivent donner à leurs actionnaires un « strategic report », en bien des points très comparable à un rapport intégré. Plus d’une centaine d’entreprises ont participé au programme pilote de l’IIRC et ont testé l’approche recommandée. Cette tendance de fond est bien comprise par un certain nombre d’entreprises françaises (Danone, GDF Suez en autres) qui se sont déjà lancées dans l’aventure et ont ainsi découvert les vertus de cette démarche.

Véritable projet mobilisateur au sein de l’entreprise, idéalement animée par la direction financière et menée sous la responsabilité de la Direction générale, il permet d’engager un dialogue stratégique entre des fonctions qui travaillent habituellement en silos. L’objectif simple et ambitieux à la fois est de bâtir un véritable consensus stratégique et de cerner quels sont les chantiers opérationnels prioritaires du point de vue de la valeur actionnariale.

Une meilleure articulation entre la stratégie et le modèle de création de valeur conduit enfin à des mesures de performances financière et non financière plus pertinentes et opérationnelles. La qualité de l’exécution stratégique en sort renforcée. Le reporting intégré est donc tout sauf un standard supplémentaire ou une mode. Le succès de la démarche nécessite une discipline et une mobilisation en faveur de la création de valeur à long terme. Elle ne sera pas forcément évidente pour tous, mais ses bénéfices à la fois internes et externes en valent la peine.

Source : Rerolle.eu

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